FACE A L'ART NON FIGURATIF
Quelle que soit l'idée qu'un peintre veut exprimer dans son tableau, quelle que soit l'histoire qu'il raconte, on discerne le maître à sa puissance d'imitation de choses vues dans la nature. On ne connaît pas d'autre criterium, car les partisans de l'"avant-garde" n'en ont jamais donné, et ce serait la question à leur poser : quel est votre criterium ?
Tous les grands chefs-d'oeuvre du passé sont soumis à ce criterium : De Vinci, Van Eyck, Holbein, Rubens, Velasquez, Chardin, David, Ingres, Manet et les Impressionnistes, y compris Cézanne qui disait : "un peu de trompe-l'oeil ne nuit pas si l'art y est".
Un chef-d'oeuvre peut, par coïncidence, être ou n'être pas à la mode : la manière empâtée de van Gogh choquait. on disait : c'est des tableaux "plein de peinture". La mode de son époque était la manière lisse. Plus tard, la réussite tardive des impressionnistes a mis en vogue l'empâtement et les couleurs bariolées. Ensuite, les empâtements ont perdu beaucoup de leur prestige avec le cubisme et le surréalisme bien que certains empâtements restassent permis à condition que la tendance fût suffisamment cubiste, surréaliste ou abstraite. Peut-être l'imitation lisse et détaillée sera-t-elle la mode de demain ? Mais on a perdu la main en faisant l'école buissonnière. D'ailleurs, dans tous les genres il y a le meilleur et le pire. Un peintre qui ne vibre pas est anti-peintre quelle que soit son habileté, qu'il soit de l'école de Meissonier ou abstrait. La mode ne s'occupe jamais de cela.
Plus un peintre est personnel, plus il est normal qu'on suive mal son évolution artistique car celle-ci entraîne une vision et une technique auxquelles on n'est pas habitué comme à celles — anciennes ou modernes — qu'on a toujours vues et qu'on a apprises à tenir pour bonnes. On oublie facilement que ce qu'on tient aujourd'hui pour bon a passé généralement pour mauvais à son apparition. A moins qu'on se le rappelle bien mais à contresens, c'est-à-dire qu'on en tire argument pour faire accepter n'importe quoi d'absurde. Car il arrive aussi qu'une chose qui paraît mauvaise le soit réellement. Remède : se méfier de la mode et des jugements imposés trop tôt.
Quand on dit qu'un peintre a un oeil de peintre, il faut bien que ce ne soit pas comme s'il ne l'avait pas, c'est-à-dire que ce ne soit pas un mot "en l'air". Il faut encore préciser qu'un peintre qui n'a pas un oeil de peintre n'a pas de talent dans la peinture, perd son temps dans un domaine qu'il n'a pas la capacité de cultiver, perd le temps des autres en s'ingéniant à leur faire croire qu'il cultive brillamment un domaine où il ne fait que retourner vainement la terre.
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