On ne le dira jamais trop

 Léon Gard n'aimait guère les reproductions photographiques (surtout en couleurs ) dont il ne manquait pas de souligner la vulgarité et la trahison à l'égard des peintures originales :

   Les reproductions d'œuvre d'art en couleurs ne sont ni exactes envers l'original ni exactes entre elles : plus jaunes, plus bleues, plus mauves, plus grises, etc.

  Ces nuances qui peuvent paraître négligeables à beaucoup de gens sont pourtant essentielles, car le chef-d’œuvre tient souvent à peu de chose, et Léon Gard a raison de dire :

  Il ne faut pas mépriser le "rien" ou ce qui apparaît tel, car le rien est tout. En médecine, le rien est la dose qui fait le poison ou le remède, la vie ou la mort. En art, le rien fait les chefs-d’œuvre. Si le blanc de la pivoine de Manet était moins rosé ou plus rosé ce ne serait plus un Manet.

le lyrisme de la chair veloutée et de l’éclat

Nu assis, au lever du lit (huile sur toile, 92 X 73 cm, Toulon, 1928)

Nu assis, au lever du lit (huile sur toile, 92 X 73 cm, Toulon, 1928)

  Léon Gard a peint une vingtaine de nus, la plupart à Toulon entre 1928 et 1930. Peu d’entre eux sont localisés et photographiés.

Nu au fauteuil rouge (huile sur toile,146 X 116 cm, Toulon 1928)

Nu au fauteuil rouge (huile sur toile,146 X 116 cm, Toulon 1928)

La règle d'or

Nu debout (huile sur toile,146 X 89 cm, Toulon, vers 1928)

Nu debout (huile sur toile,146 X 89 cm, Toulon, vers 1928)

  La règle d’or est un leurre si l’on croit qu’elle donne la clef de la peinture : le talent n’existerait pas s’il suffisait de connaître la formule pour faire un beau tableau. La règle d’or n’est qu’un moyen pratique qui consiste à prendre les mesures d’œuvres réussies d’abord par instinct sans pouvoir en faire de semblables sans tâtonnements. La règle d’or n’est pas « une » : elle varie avec chaque artiste, car chaque artiste ayant des dons différents se sert de moyens différents, mesure différemment les lignes, les taches de couleur, la distribution des blancs et des noirs. La règle d’or ne peut être la même pour les primitifs que pour Rembrandt : les premiers composent avec des lignes et le second avec de grandes taches d’ombres et de lumières. Le calcul des noirs et des blancs est lui-même différent selon les artistes car ceux qui ont, comme Rembrandt, le génie des ombres lumineuses, peuvent se permettre d’avoir davantage d’ombres dans leurs tableaux que Caravage, par exemple, dont les ombres sont moins transparentes. Les parallèles et les perpendiculaires sont moins choquantes dans les tableaux peu ombrés que dans les tableaux de clair-obscur, etc.

La dormeuse à l'oreiller blanc (huile sur toile, 73 X 60 cm, Toulon, 1929)

La dormeuse à l'oreiller blanc (huile sur toile, 73 X 60 cm, Toulon, 1929)

  Tout système dans l’exécution d’une œuvre d’art et la convention sont néfastes par les fausses certitudes qu’ils donnent. Si l’on veut secouer les abus, guérir la lèpre des habitudes vicieuses qu’on voit proliférer depuis plus de cinquante ans et repartir à zéro pour tâcher de juger sainement, il faut précisément abandonner tout système et revenir à l’instinct.

La Femme à la lettre (huile sur toile, 73 X 54 cm, Toulon, 1929)

La Femme à la lettre (huile sur toile, 73 X 54 cm, Toulon, 1929)

  La qualité d’exécution d’un tableau, quel que soit le sujet, est tout. Un tableau bien peint d’instinct est plus beau qu’un tableau mal peint avec une soi-disant règle, et une tête de vieillard par Rembrandt est plus belle que le portrait d’une jolie jeune femme par Carolus-Duran.

Les nouveaux temps de l'art

Dédée nue assise (huile sur toile, 146 X 97 cm ?, Toulon, 1930)

Dédée nue assise (huile sur toile, 146 X 97 cm ?, Toulon, 1930)

  Il n'est pas évident que le vrai nouveau soit nécessairement un pas en avant dans le jamais vu. La banalité du déjà vu exige même une qualité qu'on ne demande pas au jamais vu parce qu'il amuse : amuser trop longtemps sur une erreur est souvent le cas du jamais vu, ce qui n'arive jamais au toujours vu : il faut que ce dernier soit d'une qualité extraordinaire pour résister et créer du neuf. Des retours en arrière, quand on juge que son époque est sur une mauvaise voie sont des rectifications normales, peut-être décdentes mais moins qu'un style entièrement jamais vu et mauvais et qui se croit dans le vrai parce qu'il ne s'est jamais fait. La superstition du jamais vu est à bannir. Evidemment, la mauvaise imitation du beau traditionnel l'est aussi mais elle est moins funeste. Enfin, le beau n'a pas d'âge : ce qui le caractérise est précisément de n'être ni ancien ni nouveau.

Jeune femme à la toilette (huile sur toile, 65 X 54 cm, Paris 1950)

Jeune femme à la toilette (huile sur toile, 65 X 54 cm, Paris 1950)

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